Et si la lymphopénie observée dans les formes graves de Covid-19 était liée à l’intestin

lymphopénie, covid-19 et perméabilité intestinale

Bien que la majorité des patients développent une forme légère ou modérée du COVID-19, caractérisée par de la fièvre, des myalgies, de la toux, de la fatigue et une atteinte respiratoire modérée, une minorité développera une forme plus sévère ou critique, se traduisant par une pneumopathie bilatérale, voire un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA). D’importantes anomalies de l’hémogramme (diminution des lymphocytes et augmentation des neutrophiles) ainsi que la production de cytokines inflammatoires reflètent l’impact du virus sur le système immunitaire des patients. La lymphopénie (diminution des lymphocytes dans le sang) est observée dans les formes graves de Covid-19 chez environ 80% des patients. Elle est en lien avec la gravité de la pathologie, les taux totaux de lymphocytes semblant être plus bas chez les patients atteints de formes sévères et chez les patients décédés.

La lymphopénie concerne différents types de lymphocytes et notamment les lymphocytes B, T4 et T8.  Grossièrement, les lymphocytes T4 auxiliaires (CD4+) influençant la réponse d’autres cellules immunitaires, les lymphocytes T8 cytotoxiques (CD8+) sont impliqués dans la destruction de cellules infectées, les lymphocytes B sont producteurs d’anticorps et les lymphocytes NK cytotoxiques permettant une réponse rapide contre des agents pathogènes.

Un article sur PubMed fait le lien entre la lymphopénie associée aux formes sévères de covid et la perméabilité intestinale (le syndrome de l’intestin poreux ou « leaky gut »). Il s’intitule « Sharing CD4+ T Cell Loss : When COVID-19 and HIV Collide on Immune System » et son auteur, Xiaorong Peng, est associée à trois instituts de recherche, deux à Montréal au Canada et un situé à Hangzhou en Chine

L’auteur y décrit d’abord longuement la lymphopénie que l’on observe chez les patients atteint de forme sévère de la Covid-19.

« Une infection aiguë par le SRAS-CoV-2 est associée à une lymphopénie chez environ 80% des patients. De plus, la lymphopénie avec suppression de la fonction des lymphocytes B, T auxiliaires (CD4 +) et cytotoxiques (CD8 +), est un indicateur d’un mauvais résultat clinique. Il est probable que la lymphopénie retarde la clairance virale, favorisant la stimulation des macrophages et la tempête de cytokines qui l’accompagne, conduisant à un dysfonctionnement des organes. Outre le SRAS-CoV-2, d’autres virus – y compris le coronavirus du SRAS, le virus de la rougeole, le virus de la grippe aviaire H5N1, le virus de la fièvre aphteuse porcine, le virus respiratoire syncytial et le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) – sont associés à de la lymphopénie.

… Les lymphocytes T CD4 + auxiliaires sont importants dans la médiation de l’immunité humorale protectrice en stimulant les lymphocytes B à produire des anticorps spécifiques du virus. D’autre part, les cellules T CD8 + sont responsables de l’élimination des cellules infectées, principalement par la production de perforine et de granzyme, et sont des acteurs clés dans le contrôle de différents types de virus par la sécrétion de cytokines. Les numérations des lymphocytes T CD4 + et CD8 + sont réduites dans les COVID-19 sévères. De même, une réduction du nombre de cellules B est également observée dans les COVID-19 sévères. De plus, dans le sous-ensemble de cellules T CD4 +, une diminution du nombre de cellules T mémoire effectrices (CD45RO +) et de Treg (CD25 + CD127low) a été notée, tandis que la proportion de cellules T naïves (CD45RA +) a augmenté. La fréquence des Treg, responsables du maintien de l’homéostasie immunitaire en supprimant l’activation et les fonctions pro-inflammatoires, était très faible dans les cas graves

L’épuisement des lymphocytes T basé sur l’augmentation des marqueurs inhibiteurs tels que les récepteurs PD-1 et TIM-3 sur les lymphocytes T périphériques a également été rapporté. Des études ont démontré que la diminution de la poly fonctionnalité (sécrétion de cytokines multiples) et de la cytotoxicité des lymphocytes T était corrélée à la progression de la maladie. À l’inverse du VIH, une étude a démontré une augmentation du nombre de cellules Th17 dans le sang périphérique chez les patients COVID-19. »

Il aborde ensuite le syndrome de l’intestin poreux :

« L’épuisement des cellules T CD4 + intestinales sera suivi d’une perturbation des jonctions serrées et de la mort cellulaire de l’épithélium intestinal. Les lésions épithéliales intestinales entraînent à la fois un déséquilibre de la composition du microbiote intestinal (dysbiose) et la libération de produits bactériens dans la circulation (translocation microbienne), participant à l’activation et à l’inflammation immunitaires chroniques.

Outre les fonctions métaboliques pertinentes pour l’homéostasie de l’hôte, le microbiote intestinal exerce des actions protectrices contre la colonisation pathogène des bactéries et des virus, qui pourraient être au moins partiellement attribuées à leur rôle dans l’éducation et le renforcement du système immunitaire. La triade microbiote intestinale dysbiose – hyper-réponse immunitaire – inflammation est impliquée à la fois dans la pathogenèse du VIH et du COVID-19…

Plus de 60% des patients atteints de COVID-19 rapportent des signes de symptômes gastro-intestinaux, tels que diarrhée, nausées et vomissements. Il existe des preuves directes que le SRAS-CoV-2 peut se répliquer dans les cellules intestinales. De plus, de nombreuses infections virales, y compris la grippe, entraînent des changements dans le microbiote intestinal et pulmonaire avec des changements à médiation virale dans l’intestin, y compris une dysbiose et une perméabilité accrue. En effet, des études récentes ont trouvé des différences dans les caractéristiques microbiennes intestinales et les métabolites associés dans l’infection par le SRAS-CoV-2. Une plus grande attention devrait être portée à la dysbiose intestinale et à la translocation microbienne dans la contribution au COVID-19 sévère.

Puis l’auteur fait le lien entre la metformine utilisée dans le diabète et la réduction de la mortalité et de l’inflammation.

Une inflammation préexistante de faible niveau et un intestin perméable dans le diabète sucré de type 2 (DT2) peuvent être associés à une mortalité plus élevée au COVID-19. Des études rétrospectives ont montré une réduction de la mortalité chez les utilisateurs de metformine par rapport aux non-utilisateurs parmi les patients atteints de DT2 hospitalisés pour COVID-19. Les effets potentiels de la metformine dans le COVID-19 pourraient résulter de l’inhibition de la voie mTOR et de la prévention de l’hyperactivation immunitaire. Une production réduite de cytokines telles que le TNF-α et l’IL-6 a été observée chez les patients traités par la metformine. En outre, la metformine peut également réduire l’inflammation en modifiant la composition du microbiote intestinal. Une étude de cohorte rétrospective sur les patients atteints de diabète sucré a montré que l’utilisation de la metformine était associée à une amélioration de la récupération des CD4. »

Avant de proposer un modèle liant la lymphopénie CD4+ et la perméabilité intestinale (leaky gut) dans le lequel l’intestin poreux joue un rôle central dans les comorbidités liés à la COVID-19.

Modèle liant la lymphopénie et la perméabilité intestinale

Mécanisme potentiel et conséquence de la lymphopénie CD4 + chez les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) et la maladie à coronavirus-19 (COVID-19).

L’auteur conclu enfin que :

La lymphopénie pourrait être due à des attaques directes contre les cellules T CD4 +, l’activation immunitaire et la redistribution des cellules T CD4 +. Pendant la période d’immunodéficience, l’inflammation systémique pourrait être alimentée par une perméabilité intestinale et entraîner de graves complications .

Dans tous les cas que vous souffriez de conséquences d’une forme sévère ou d’un Covid long, il me parait primordial de prendre en charge votre écosystème intestinal soit par la correction de :

  • La dysbiose intestinale ;
  • La porosité intestinale ;
  • L’inflammation intestinale ;
  • La présence éventuelles d’allergies alimentaires ;
  • Et éventuellement l’ajout de certains compléments alimentaires, prébiotiques ou probiotiques.

Car une dérégulation de cet écosystème intestinal a été décrit dans de nombreux symptômes présents dans le Covid long que ce soit la fatigue, les insomnies, les douleurs articulaires et musculaires, les démangeaisons, les migraines, les problèmes de concentration, l’anxiété et la dépression.

Vous trouverez quelques pistes dans les articles suivants:

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La dysbiose et la perméabilité intestinale pourraient être impliquées dans les formes graves de Covid-19

Six étapes pour réparer le syndrome de l’intestin poreux 

Un nouvel acteur de votre santé : l’axe intestin-immunité-cerveau

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A propos de l’auteur

Karine Bernard

Naturopathe, formatrice, conférencière et docteur en sciences (spécialité immunologie), je suis la fondatrice de la méthode ISIS “Solutions en immunomodulation intégrative et systémique”. Je suis également à l’origine du site  immunonaturo.com, un blog dédié à la santé et au bien-être qui fait la part belle à votre système immunitaire.