Vous connaissez sans doute certaines de ces expressions….
« Avoir la peur au ventre »
« Avoir une boule au ventre »
« Avoir l’estomac noué »
« Se faire de la bile »
« Une chose difficile à digérer »
Ces expressions ont montré bien avant les scientifiques le lien étroit entre notre ventre et nos émotions.
Il est établi depuis longtemps que les pensées, les émotions et le stress peuvent avoir un impact sur le bon fonctionnement de nos intestins, en régulant les activités motrices, sensitives et sécrétoires du tube digestif. C’est pour cela que l’estomac se noue et qu’il est difficile de manger lorsque l’on est contrarié ou stressé.
Le concept de l’axe intestin-cerveau est issu du domaine de l’endocrinologie gastro-intestinale et de la découverte de la régulation hormonale de la digestion. Depuis, il a évolué pour inclure le maintien de l’homéostasie de plusieurs systèmes, y compris la fonction gastro-intestinale, l’appétit et le contrôle du poids. Récemment, de nouvelles avancées ont mis en lumière l’implication de l’intestin dans les troubles du comportement (anxiété, dépression, troubles autistiques) ou bien les pathologies neurodégénératives telles que la maladie d’Alzheimer ou la maladie de Parkinson.
Il existe donc entre le cerveau et l’intestin une communication bidirectionnelle : dans un sens descendant, nos émotions perturbent notre intestin. Et dans l’autre sens notre intestin influence nos états émotionnels, notre bien-être et notre santé.
Parmi ces émotions, le stress est largement impliqué dans les pathologies digestives comme les maladies inflammatoires de l’intestin ou les troubles fonctionnels digestifs tel que le syndrome de l’intestin irritable. Toujours dans un concept de dialogue entre le cerveau et le ventre, le stress perturbe non seulement la motilité digestive mais il est responsable d’un déséquilibre de la composition microbienne retrouvé dans ces pathologies.
En pathologie humaine, une comorbidité entre pathologies gastro-intestinales et pathologies psychiatriques et neurodégénératives est de plus en plus rapportée. Plusieurs études cliniques ont mis en évidence une comorbidité entre troubles psychiatriques et troubles gastro-intestinaux fonctionnels (Collins et coll., 2012).
Ce constat a été le point de départ du développement d’un nouveau domaine de recherche, celui portant sur l’axe intestin-cerveau appelé (« Gut-Brain axis ») dans lequel le microbiote intestinal est un modulateur important, ce qui a fait évolué le terme en axe microbiote-intestin-cerveau. Le système immunitaire joue aussi un rôle essentiel dans ce dialogue entre l’intestin et le cerveau. Certains auteurs parlent aussi d’axe cerveau-immunité (« neuro-immun axis ») ou d’axe intestin-immunité-cerveau (« gut-immun-brain axis »).
Alors premièrement posons-nous cette question : comment notre intestin manipule-t-il nos états émotionnels ?
Plutôt que de parler d’intestin ou de système digestif, il faudrait plutôt parler d’écosystème intestinal. Cet écosystème intestinal est un système complexe. Il est composé :
- du microbiote, un ensemble de bactéries, virus, levures et parasites;
- de la muqueuse intestinale composée d’une unique couche de cellules spécialisées dans l’absorption des nutriments et la sécrétion d’enzymes digestives;
- du système immunitaire composé de différents types de cellules appartenant à la fois à l’immunité innée et à l’immunité adaptative ainsi que d’anticorps et différents peptides anti-microbiens;
- et du système nerveux entérique composé de plus de 500 millions de neurones et du système nerveux autonome avec le fameux nerf vague.
Le microbiote est surement l’acteur le plus populaire et le plus étudié de cet écosystème intestinal.
Grâce aux nouvelles technologies, nous sommes en train de découvrir et de répertorier des populations microbiennes au niveau de la peau, du visage, des narines, de la bouche, des lèvres, des paupières et même au niveau de la plaque dentaire. Le tractus gastro-intestinal, en particulier le côlon, abrite de loin les populations les plus nombreuses.
Le microbiote intestinal, anciennement appelé flore intestinale est un véritable « organe caché » au sein de notre ventre. Cet organe abrite plus de bactéries que notre organisme ne contient de cellules. Aux dernières estimations de 2016 c’est 40 000 milliards de bactéries (pour 30 000 milliards de cellules) qui vivent dans l’univers sombre et presque privé d’oxygène de l’intestin humain. Si l’on rassemblait tous les microbes intestinaux, le volume ainsi obtenu pèserait entre 1kg et 2,5 kg – à titre de comparaison, le cerveau pèse 1,5 kg. Certains considèrent le microbiote intestinal comme un « organe oublié » du corps humain. Le millier d’espèces de bactéries qui le composent contient plus de 150 fois de gènes que le génome humain. Ces gènes permettent aux microbes non seulement de vivre et de se multiplier, mais également de produire des molécules grâce auxquelles ils peuvent entrer en communication avec notre organisme. La majorité des espèces bactériennes dominantes du microbiote intestinal appartient aux Firmicutes et aux Bacteroidetes.
Nous vivons par ailleurs en symbiose avec nos micro-organismes, sans qui certaines de nos fonctions physiologiques essentielles ne pourraient être assurées. En effet, le rôle du microbiote est largement reconnu dans l’homéostasie gastro-intestinale, en assurant une partie de la digestion des aliments, en synthétisant des vitamines essentielles, ou bien en participant à la maturation du système immunitaire. Si le microbiote est protecteur, des altérations de ce dernier sont à l’origine de nombreuses maladies chroniques digestives, inflammatoires, ou métaboliques. Grâce à l’avènement de la métagénomique permettant de connaître l’ensemble des gènes microbiens, les chercheurs ont pu révéler que les flores microbiennes peuvent largement différer dans leur composition entre des personnes saines et des personnes atteintes de maladies telles que l’obésité, le diabète, l’asthme ou les allergies.
Une rupture de l’homéostasie intestinale mène à de nombreuses maladies
Notre écosystème intestinal est constitué de quatre piliers : la muqueuse intestinale, le microbiote, le système immunitaire et le système nerveux autonome. Tous ces piliers sont en interrelation les uns avec les autres c’est-à-dire qu’ils communiquent étroitement et dépendent l’un de l’autre. Lors d’une rupture de l’homéostasie au niveau intestinal liée à un stress physique ou psychologique, un aliment qui ne vous convient pas, un additif alimentaire, une toxine, une infection bactérienne, virale, parasitaire ou fongique, ces quatre piliers peuvent se dérégler.
- La muqueuse intestinale peut devenir poreuse, un syndrome appelé intestin perméable ou « leaky gut » par les anglosaxons. Vous pouvez voir quelles sont les solutions pour réparer un intestin qui fuit dans mon article « Six étapes pour réparer le syndrome de l’intestin poreux »
- Le microbiote peut se dérégler et l’on peut voir apparaitre une dysbiose, c’est-à-dire une augmentation des bactéries pathogènes et une diminution des bactéries commensales.
- Le système immunitaire présent sous la muqueuse intestinale peut se dérégler et s’activer ce qui peut engendrer une inflammation excessive.
- Et enfin, le système nerveux entérique et surtout autonome peut ne plus jouer son rôle de régulation de l’inflammation et de régulation des organes.
Un déséquilibre au niveau de l’axe intestin-cerveau est responsable de la plupart des troubles de l’humeur et du comportement (anxiété, dépression, stress)
Cette rupture au niveau de l’homéostasie intestinale a été liée à de nombreuses maladies chroniques. C’est le cas de l’obésité1, des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin appelées MICI, du diabète sucré, du syndrome métabolique, de l’athérosclérose, des maladies du foie alcoolique et non alcoolique2, de la cirrhose et du carcinome hépatocellulaire, des maladies respiratoires3, des maladies mentales ou psychologiques et des maladies auto-immunes4. La perturbation de l’homéostasie intestinale est maintenant considérée comme l’événement majeur dans le développement des maladies auto-immunes et inflammatoires de l’intestin5.
Nous savons aujourd’hui que le vieillissement, de nombreuses maladies chroniques, intestinales et métaboliques comme l’obésité et le diabète de type II sont associés à une inflammation chronique et à une activation du système immunitaire.
Ce n’est que récemment, que plusieurs groupes de recherche ont mis en évidence que le microbiote intestinal et les autres acteurs de l’écosystème intestinal sont des éléments actifs du dialogue intestin-cerveau. Le microbiote intestinal en prenant part à la communication entre l’intestin et le cerveau influencerait le fonctionnement cérébral (Collins et al. 2012 ). Et aujourd’hui, les chercheurs se penchent sur les liens possibles entre un déséquilibre de l’écosystème intestinal et certains troubles psychiques : le stress, les troubles de l’humeur tel que la dépression, l’anxiété mais aussi les maladies neurodégénératives (Parkinson, Alzheimer…), ou les troubles du spectre autistique.
Toutes ces notions seront développées dans ma formation sur l’axe intestin-immunité-cerveau et les pathologies associées dispensé sur 4 jours en présentiel à Genève à l’hôtel Cénacle. Il reste encore un peu de place, alors n’hésitez pas à vous inscrire. Vous avez jusqu’au 17 septembre pour le faire.
Au plaisir de vous rencontrer,
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Sources
A propos de l’auteur
Karine Bernard
Naturopathe, formatrice, conférencière et docteur en sciences (spécialité immunologie), je suis la fondatrice de la méthode ISIS “Solutions en immunomodulation intégrative et systémique”. Je suis également à l’origine du site immunonaturo.com, un blog dédié à la santé et au bien-être qui fait la part belle à votre système immunitaire.