Stress chronique et maladie d’Alzheimer : comprendre le lien pour mieux prévenir

mitochondrie

La maladie d’Alzheimer (MA) est souvent perçue à travers deux grands marqueurs : les plaques amyloïdes et les enchevêtrements neurofibrillaires de tau. Pourtant, cette vision est aujourd’hui considérée comme partielle. Une cause tout aussi fondamentale émerge peu à peu : le stress chronique. Stress, neuroinflammation, perte de plasticité neuronale, atrophie hippocampique… tous convergent vers un même terrain fertile à la neurodégénérescence. Cet article propose de comprendre comment le stress persistant peut accélérer l’évolution vers la MA, en s’appuyant sur des données biomédicales, animales et cliniques.

Le stress chronique comme facteur de risque environnemental

Le stress est la réponse naturelle de notre organisme aux changements défavorables ou exigeants de notre environnement. Il est développé pour gérer et surmonter ces défis pour notre bien-être (McEwen, 2005). L’allostasie désigne ces mécanismes adaptatifs internes qui tentent de rétablir l’homéostasie afin de répondre aux exigences perçues et anticipées des situations stressantes (McEwen et Seeman, 1999). Le stress est donc essentiel à la survie, mais sa réponse peut devenir inadaptée (Ellis et Del Giudice, 2014). Selon le facteur de stress et la gravité de ses effets, le stress peut être bénéfique ou néfaste, et la durée et la chronicité de l’exposition aux facteurs de stress jouent également un rôle important dans son issue (McCormick et Hodges, 2017).

Si l’organisme peut rapidement résoudre et normaliser les effets d’un stress aigu, lorsqu’il devient chronique, il peut perturber gravement l’équilibre physiologique et psychologique d’un individu. Le recrutement répétitif de la réponse neuroendocrinienne au stress chronique peut entraîner une perturbation cumulative des mécanismes homéostatiques internes. Les facteurs de stress chroniques, imprévisibles et incontrôlables, sont généralement associés à un risque élevé de développer des maladies cardiovasculaires, une dépression et des troubles neurodégénératifs, dont la maladie d’Alzheimer, en particulier chez les personnes sensibles au stress et à ses effets néfastes (Leonard, 2010 ; Liu et al., 2017).

L’axe hypothalamo-hypophyso-corticosurrénalien (HHS) dans la réponse au stress

L’axe hypothalamo-hypophyso-corticosurrénalien (HHS) est un système physiologique clé qui réagit au stress psychologique. Il comprend une voie de communication étroitement régulée entre le noyau paraventriculaire de l’hypothalamus, l’hypophyse et la glande surrénale. L’exposition aux facteurs de stress entraîne l’activation de l’axe HHS, ce qui conduit à la sécrétion dans la circulation sanguine d’hormones de stress, les glucocorticoïdes : le cortisol chez l’homme ou la corticostérone chez les rongeurs (Smith et Vale, 2006).

Les glucocorticoïdes sanguins traversent la barrière hémato-encéphalique et pénètrent dans le cerveau pour activer les récepteurs des glucocorticoïdes (GR) et des minéralocorticoïdes (MR), deux voies de signalisation importantes jouant un rôle essentiel dans la médiation de la réponse cérébrale au stress (Scheuer, 2010).

Cependant, en cas de stress psychologique prolongé, lorsque les changements adaptatifs ne suffisent plus à répondre aux défis environnementaux, l’axe HPA est activé de manière chronique en raison d’une perte de rétroaction inhibitrice entraînant une dysrégulation de la signalisation glucocorticoïde (Ellis et Del Giudice, 2014 ; Nicolaides et al., 2015 ; O’Connor et al., 2017, 2016 ; Vyas et al., 2016). Par exemple, des rats recevant une administration sous-cutanée chronique de corticostérone ont montré une déplétion permanente des récepteurs hippocampiques à la corticostérone, accompagnée d’une perte de neurones hippocampiques, similaire à celle observée au cours du vieillissement (Sapolsky et al., 1985).

Qu’est-ce que le stress chronique fait à notre cerveau ? Les mécanismes biologiques

1. Le cortisol en excès : un poison pour l’hippocampe

Le stress chronique conduit à un dérèglement de l’axe hypothalamo–hypophyso–surrénalien (HPA), entraînant une sécrétion persistante de cortisol, hormone du stress. Elle est neurotoxique, en particulier pour l’hippocampe, siège de la mémoire. Une méta-analyse a montré que les patients Alzheimer présentent des taux de cortisol matinal plus élevés (sang, salive, LCR) que les témoins cognitivement sains PubMed. D’autres études prospectives soulignent qu’une régulation défectueuse du cortisol — mesurée par exemple dans l’urine sur 24 heures — peut accroître le risque d’Alzheimer des années plus tard PMC.

2. Stress, inflammation microgliale et accumulation de protéines toxiques

Sous stress chronique, les microglies s’activent de façon persistante et libèrent des cytokines pro-inflammatoires (IL-1β, IL-6, TNF-α), contribuant à l’inflammation cérébrale. Si cette réponse est au départ protectrice, elle devient délétère quand elle persiste : elle favorise la production de protéines βeta-amyloïde et Tau, tout en détériorant les synapses et la survie neuronale PMC

3. Plasticité synaptique et neurogenèse en berne

La plasticité synaptique et la neurogénèse sont des mécanismes neuronaux importants support de la mémoire et de l’apprentissage des organismes dotés d’un système nerveux.

La potentialisation à long terme (LTP) — un processus clé pour la mémoire — est fortement altéré par le stress chronique, en particulier dans l’hippocampe. Chez le rat, des protocoles de stress continu génèrent une réduction drastique de la capacité à induire une LTP, particulièrement médiée par des glucocorticoïdes élevés PMC. Parallèlement, le stress abaisse les niveaux de BDNF, facteur neurotrophique crucial pour la plasticité et la neurogenèse. Cette baisse est observée chez l’animal comme chez l’humain PMC

Le stress accélère la pathologie Alzheimer

Les données expérimentales :

  • les modèles murins transgéniques (APP-PS1, Tg2576…) exposés à un stress chronique (isolement, immobilisation, stress social) manifestent une accélération du dépôt de protéines beta-amyloïde, une hausse de tau phosphorylé, une anxiété accrue et un déclin de la mémoire spatiale PMC.

  • L’association entre stress et déficit de potentialisation à long terme ou altération des protéines de plasticité (CaMKII, PKC, calcineurine…) a été observée chez des rats soumis à stress social PMC.

Les données épidémiologiques et cliniques

1. Stress chronique et risque augmenté d’Alzheimer

  • Une étude suédoise sur 160 000 personnes a révélé que ceux diagnostiqués avec stress chronique ou dépression étaient deux fois plus susceptibles de développer une MA. Le risque combiné (stress + dépression) atteignait quatre fois celui des témoins news.ki.se.

  • Des personnes exposées à stress intense pendant l’enfance présentent des fonctions cognitives diminuées plus tard dans la vie, selon une étude portant sur des Afro-Américains Axios.

  • Le cortisol et le stress de la personnalité (névrosisme, anxiété chronique) sont aussi des facteurs corrélés à un risque accru d’Alzheimer Glamouralzheimers.org.uk.

2. Stress, réserve cognitive et résilience

Un mode de vie riche en stimulation cognitive peut constituer une réserve cognitive qui permet de retarder les symptômes d’Alzheimer. Cependant, un stress élevé peut compromettre cette réserve, en diminuant la vie sociale, la pratique physique ou cognitive. La méditation ou les techniques de gestion du stress restaurent parfois cette résilience The Times.

Une approche intégrée : tous les chemins mènent vers Alzheimer… ou vers la prévention

1.  La charge allostatique : la charge cumulative du stress

La charge allostatique se définit comme l’activation fréquente des systèmes neuroendocrinien, immunologique, métabolique et cardiovasculaire, qui rend les individus plus vulnérables aux problèmes de santé liés au stress. Cette approche propose que l’accumulation des médiateurs du stress (cortisol, glucose, cytokines, DHEA-S…) induise progressivement les mécanismes neuropathologiques alignés avec Alzheimer : hyperglycémie, insulinorésistance, phosphorylation tau, amyloïde, atrophie hippocampique, inflammation et perte de plasticité PMC.

Selon ce modèle, les dérèglements physiologiques apparaissent des décennies avant l’apparition des maladies. Par conséquent, la recherche sur le stress s’est orientée vers l’anticipation de l’ampleur de ces dérèglements afin de mieux comprendre l’impact des hormones du stress et d’autres biomarqueurs sur la progression de la maladie.

2. Stress et épigénétique

Le stress chronique peut également induire des modifications épigénétiques – via la méthylation de gènes clés comme BDNF, synaptophysin ou GSK3β –, altérant durablement la régulation de l’inflammation, de la synaptogenèse et de la production d’amyloïde Wikipédia.

Les données convergent : le stress chronique agit comme un catalyseur de la pathologie Alzheimer. Il déclenche une cascade négative : cortisol élevé, neuroinflammation, perte de plasticité, altération cognitive. Toutefois, ces mécanismes sont modulables. Une approche préventive intégrée — gestion du stress, stimulation cognitive, régulation métabolique — pourrait retarder voire atténuer le déclin.

En somme, si le stress n’est pas une cause unique d’Alzheimer, il en est un facteur aggravant majeur, mais modulable par nos choix de vie. Nos expériences biologiques sont malléables : apaiser notre rapport au stress, c’est potentiellement freiner la neurodégénérescence de demain.

Les points clés.

  • Un niveau de stress élevé augmente le risque de MA d’apparition tardive et accélère l’âge d’apparition de la MA familiale.
  • Le stress provoque une perte synaptique et une neuroinflammation dans les régions cérébrales affectées par la MA.
  • Chez les rongeurs sauvages, le stress chronique favorise l’accumulation de protéines tau et Aβ.
  • Dans les modèles murins de MA, le stress chronique intensifie les pathologies moléculaires et cognitives.
  • Le stress chronique augmente les marqueurs de la sénescence cellulaire.
  • La sénescence cellulaire a été associée à la MA.

Diagramme des changements neuropathologiques induits par le stress et associés au vieillissement dans la maladie d’Alzheimer (MA). Source

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A propos de l’auteur

Karine Bernard, phD

Naturopathe, formatrice, conférencière et docteur en sciences (spécialité immunologie), je suis la fondatrice de la méthode ISIS “Solutions en immunomodulation intégrative et systémique”. Je suis également à l’origine du site  immunonaturo.com, un blog dédié à la santé et au bien-être qui fait la part belle à votre système immunitaire.